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Présidentielle en Roumanie : « George Simion a de très grandes chances de remporter l’élection »

La Roumanie confirme un peu plus son virage nationaliste. Hier, George Simion, chef de file du parti conservateur « Alliance pour l’unité des Roumains », a recueilli 40,5 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle roumaine. L’admirateur de Donald Trump et de Giorgia Meloni se place en très bonne position pour briguer le poste de président. Pour la chercheuse Antonela Capelle-Pogacean, cette élection incarne le profond « sentiment de rejet » de la classe politique par les roumains.
Marius Texier

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Cinq mois après l’annulation du premier tour de l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle, en raison de soupçons d’ingérences russes, les 18 millions d’électeurs roumains ont de nouveau été appelés aux urnes. « C’est une élection très particulière notamment avec l’annulation du premier tour qui a augmenté la colère et le mépris des Roumains contre le pouvoir politique en place », juge Antonela Capelle-Pogacean, docteur en science politique à Sciences Po et spécialiste de la politique roumaine. « La tendance nationaliste tend à se confirmer puisque George Simion réalise un meilleur score que Calin Georgescu, le candidat d’extrême droite, arrivé en tête il y a six mois. Et cela malgré une même participation, autour de 50 % ».

Le six décembre dernier, la Cour constitutionnelle décidait l’annulation du premier tour, qui avait vu le candidat d’extrême droite, Calin Georgescu arriver en tête avec 22 % des voix. Pourtant inconnu du grand public, le candidat iconoclaste réussit à se faire connaître et faire campagne uniquement sur le réseau social TikTok. La Russie est alors accusée d’ingérence pour avoir favorisé, via des algorithmes, un candidat proche du Kremlin.

Un vote des classes populaires

« L’élection intervient dans un contexte post-Covid dont la gestion de la pandémie a suscité beaucoup de méfiance et également le sujet du conflit en Ukraine, très présent en Roumanie puisque, de temps en temps, un drone s’écrase sur le territoire », analyse Antonela Capelle-Pogacean. « Calin Georgescu et désormais George Simion ont réussi à surfer là-dessus ».

La Roumanie fait également face à une importante crise économique. La croissance est en berne et les inégalités s’accroissent entre la capitale Bucarest et les zones rurales du pays. « Bucarest est l’une des capitales européennes les plus riches, mais, à 100 kilomètres à peine, vous avez une personne sur deux qui vit sous le seuil de pauvreté », pointe la chercheuse. « Au niveau des votes, cela s’observe parfaitement. Les villes moyennes et les zones rurales ont en grande majorité voté pour George Simion. Ce sont, en général, des personnes appartenant à la classe moyenne inférieure qui craignent pour leur propre déclassement. Ce sont les catégories marginalisées, les perdants de la mondialisation ».

Un quart de la population à l’étranger

Crédité à hauteur de 30 % des intentions de votes selon les instituts de sondages roumains, George Simion a déjoué les pronostics. « Il faut faire très attention aux instituts de sondage qui ont plutôt tendance à orienter le vote plutôt que d’éclairer la situation réelle », prévient la chercheuse. « De plus, ils ne prennent pas en compte la diaspora roumaine qui est très importante ».

Selon les estimations, entre quatre et cinq millions de Roumains résident à l’étranger soit près du quart de la population. C’est l’une des diasporas les plus importantes d’Europe. 60 % d’entre eux ont placé un bulletin en faveur de George Simion et ont représenté 11 % des votes au cours de l’élection. Mais pourquoi un tel vote nationaliste ? Pour Antonela Capelle-Pogacean, cette diaspora s’est toujours située plutôt à droite. « En grande majorité, la diaspora roumaine occupe des emplois peu qualifiés dans les pays où elle est installée, ce qui la place dans les classes populaires locales. A l’image des pays développés, les catégories populaires placent généralement leur vote du côté des candidats antisystèmes », analyse la chercheuse.

Des millions de lettres aux retraités

« Ce qu’il s’est passé hier montre que le résultat du premier tour annulé n’était pas seulement dû aux ingérences, mais essentiellement à la mobilisation des Roumains », pointe Antonela Capelle-Pogacean. « George Simion a su diversifier son électorat vers des personnes plus âgées. Et cela s’est fait à l’aide de millions de lettres envoyées aux retraités ».

Tout le long de la campagne, George Simion a joué la carte de la proximité avec MAGA (« Make America Great Again ») et a dénoncé l’annulation de la précédente élection. Dimanche, après les résultats, le candidat a annoncé vouloir « porter Calin Georgescu au pouvoir » en évoquant trois options : « un référendum, des élections anticipées ou la formation d’une coalition au Parlement qui le nommerait premier ministre ».

« Je ne pense pas qu’il laissera sa place s’il est élu », hypothèse Antonela Capelle-Pogacean. « C’est un discours électoral qui peut, en partie, expliquer son score, mais il tient au pouvoir, c’est un homme politique connu en Roumanie contrairement à Calin Georgescu. Il dirige son parti d’une main de fer et a exclu de nombreux opposants ».

« De très grandes chances de remporter l’élection »

Pour la chercheuse, George Simion a de « très grandes chances » de remporter l’élection face au maire centriste de Bucarest, Nicusor Dan, arrivé en seconde position avec 20,9 % des voix. « On observe en Roumanie une grande volonté de changement et George Simion incarne cela », juge-t-elle. « Pour gagner, Nicusor Dan doit absolument augmenter la participation et améliorer sa communication qui est, pour l’instant, très mauvaise ».

Si les voix du candidat de la coalition gouvernementale pro-européenne (20,3 %), Crin Antonescu arrivé en troisième position, vont, semble-t-il, se déporter du côté de Nicusor Dan, rien n’est moins sûr concernant les voix de Victor Ponta, candidat du parti social-libéral et arrivé en quatrième position (13 %).

« Victor Ponta a aussi fait une campagne de type MAGA, moins radicale certes, mais avec une importante dimension nationaliste », juge Antonela Capelle-Pogacean. « Je ne suis pas sûr que l’ensemble de ses électeurs va suivre son appel au vote s’il appelle à voter pour Nicusor Dan. Cela pourrait même produire l’effet inverse ».

Pour la chercheuse, la question est de savoir si Nicusor Dan réussira à « susciter l’émotion » afin que les citoyens désintéressés se rendent aux urnes, le 18 mai prochain, contre l’extrême droite.

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